Sciences de l'Education > Textes généraux Version PDF  

Approche des sciences de l’éducation : histoire et enjeux

Jean Houssaye

Sciences de l’éducation - Université de Rouen


A. De la pédagogie aux sciences de l’éducation


A supposer que vous vouliez vous former en sciences de l’éducation, vous avez peut-être, l’impression que vous allez faire de la pédagogie ou la volonté de vous former en pédagogie. Vous avez raison de faire le lien entre la pédagogie et les sciences de l’éducation. Encore faut-il le faire à bon escient et ne pas confondre ce que vous attendez et ce que vous risquez de trouver... C’est pourquoi il est important, avant de présenter les enjeux des sciences de l’éducation aujourd’hui, de retracer quelques aspects essentiels de notre histoire éducative.

Suivons d’abord Hameline (in Champy et Etévé, 1998) souligner les ambiguïtés du terme pédagogie. Le pédagogue désigne aussi bien celui qui tire les leçons d’une pratique que celui qui s’efforce de donner les leçons sur cette pratique (la sienne ou celle des autres). Parfois le pédagogue est restreint à l’école (“c’est un bon pédagogue”) et parfois il renvoie à toutes les activités (“il fait preuve de qualités pédagogiques”). Souvent le pédagogue désigne celui qui fait les choses en matière d’éducation, mais aussi souvent il désigne celui qui pense l’éducation.

Cette indécision des sens du mot pédagogie s’inscrit dans l’histoire de l’éducation. Qui considère-t-on comme pédagogues dans la tradition éducative ? Certainement pas en premier lieu des savants qui feraient oeuvre de science. Mais plutôt des philosophes qui traitent de l’éducation (Platon, Montaigne, Rousseau, Kant, Alain...), ou des théologiens (Augustin, Thomas d’Aquin, Maritain...), ou des écrivains (Rabelais, Fénelon, Goethe, Montherlant...), ou des précepteurs ou professeurs (Coménius, Pestalozzi, Fröbel, Mme de Maintenon, Freinet...) (cf. le cours sur les idées pédagogiques). On oscille sans cesse entre la rigueur ou la profondeur de la pensée, la qualité de la plume et de l’érudition, l’ampleur et la nouveauté de l’expérience. Mais ce n’est pas pour rien qu’en philosophie, la pédagogie reste inscrite dans la morale car elle est bien considérée comme avant tout le domaine de grands moralistes de l’éducation.

Certes, en 1817, un jacobin révolutionnaire, Marc-Antoine Jullien de Paris, utilise le terme science de l’éducation dans son ouvrage "Esquisse et préliminaires d’un ouvrage sur l’éducation comparée", où il suggère d’étudier les systèmes pédagogiques des différents cantons suisses pour en extraire les meilleures méthodes à généraliser. Mais le mot pédagogie reste le seul à être employé. Pourtant, au cours du 19ième siècle, l’atmosphère va changer sous une double influence. La première tient à l’émergence de l’idée que les réalités humaines peuvent aussi entrer dans une démarche de science (et non plus seulement les réalités physiques). La seconde dépend du mouvement d’organisation des enseignants qui tendent à se structurer et à prétendre pouvoir tenir leur propre discours sur ce qu’ils font au quotidien dans la classe. Tant et si bien que la science va s’emparer de l’éducation. Deux ouvrages anglais en témoignent qui serviront de référence, issus de ce que l’on appelle encore la philosophie : "De l’éducation intellectuelle, morale et physique" de Spencer en 1861 et "La science de l’éducation" de Bain en 1879. La table des matières de ce dernier livre est tout à fait significative, puisque l’essentiel tient aux bases psychologiques de l’éducation (livre premier) et aux méthodes d’enseignement selon les disciplines (livre second).

En France, dans la seconde moitié du 19ième siècle, des penseurs de l’éducation qui ont en même temps des fonctions importantes dans l’appareil éducatif vont s’efforcer de former des milliers d’enseignants en s’appuyant à la fois sur des savoirs qu’ils veulent de plus en plus scientifiques et sur une doctrine politique commune que les grandes lois laïques de Jules Ferry (à partir de 1880) vont symboliser (cf. le cours sur le système éducatif). On en voit un exemple symbolique dans le célèbre "Dictionnaire de pédagogie" édité par le directeur de l’enseignement primaire du ministère Ferry, Buisson (et, autour de lui, Compayré, Pécaut, Gréard, Marion, Thamin), entre 1882 et 1887 (4 tomes, des milliers de pages). Ce dictionnaire encyclopédique va devoir former les enseignants du primaire à travers toute la France (suppléant puis accompagnant la mise en place systématique des écoles normales). Pour éviter les évocations pédantes et dévalorisées du terme pédagogie, on parle alors de "science de l’éducation".

Mais ces pédagogues (Espinas à Bordeaux en 1882, Marion à Paris en 1883, Thamin à Lyon, Dauriac à Montpellier et Egger à Nancy en 1884...), qui vont se trouver aussi dans les premiers postes universitaires de pédagogie ou de science de l’éducation, sont en fait des philosophes qui s’adressent aux enseignants du primaire (et parfois du secondaire) et surtout à leurs formateurs à partir de leur expérience et de la réflexion intelligente sur cette dernière plutôt qu’à partir d’une "science". Tant et si bien que le discours habituellement interrogatif de la philosophie se transformera ici en ensemble raisonné de vérités qui serviront de référence pour l’action éducative. En 1911, Durkheim, le père de la sociologie, qui détiendra un de ces postes universitaires de pédagogie à la Sorbonne, parlera de "théorie pratique" pour désigner cette pensée de l’éducation, espérant que la sociologie sera apte à la transformer en science. Mais il récusera la possibilité même d’une science de l’éducation, posant que la pédagogie doit s’appuyer sur la sociologie, la psychologie et l’histoire de l’enseignement.

La pédagogie oscille alors entre les généralités et les principes de la philosophie d’un côté et les préoccupations pratiques d’un meilleur enseignement de l’autre, entre la recherche de méthodes générales théoriques d’un côté et un art quotidien pour résoudre des problèmes singuliers de l’autre. Il n’empêche. La psychologie naissante est perçue comme devant apporter à la pédagogie la composante scientifique donnée comme nécessaire. Et les "vrais" psychologues vont peu à peu s’opposer et se substituer aux philosophes qui se contentaient d’une psychomorale. Binet en 1890, Bourdon en 1896, Foucault en 1906, Piéron en 1907 vont ouvrir des laboratoires qui se veulent uniquement animés par la méthode scientifique, c’est-à-dire à cette époque la méthode expérimentale qui avait fait ses preuves en médecine avec Claude Bernard.

Assez rapidement donc, dès le début du siècle, la psychologie expérimentale va se saisir de la pédagogie et en faire son objet. Désormais, c’est elle qui va faire autorité, même si elle a bien du mal à se constituer comme secteur scientifique indépendant de la philosophie. Comme le montre Charbonnel (1988), éduquer requiert désormais le respect des lois de la nature qui sont de l’ordre de la nécessité et que connaît la science. Puisque maintenant on sait ce qu’est un enfant, on sait comment éduquer ce même enfant. La pédagogie est définie comme une application de la psychologie de l’enfant. On peut alors se mettre à parler de psychopédagogie et considérer l’éducation sous l’angle privilégié et exclusif de la science (à savoir la psychologie). On ne parle plus de pédagogie mais bel et bien de science de l’éducation. Il reste que pendant très longtemps on va employer des termes différents de façon équivalente : pédagogie scientifique, pédagogie expérimentale, pédologie, science pédagogique, science de l’éducation... puis sciences de l’éducation.

Comment se fait-il en effet que l’on n’utilise plus aujourd’hui le singulier de la science de l’éducation mais le pluriel des sciences de l’éducation ? Plusieurs raisons sont ici à invoquer. La première tient au fait que les sciences humaines sont plurielles et que chacune est en droit de revendiquer l’éducation comme son objet (cf. plus haut : 1.2 -2). Durkheim, nous venons de le dire, avait commencé avec la sociologie, mais beaucoup d’autres suivront. On va donc voir se pluraliser les sciences de référence qui se saisissent de l’éducation. La seconde tient à la scientificité de la recherche qui va vouloir s’affirmer de plus en plus. Au début, on s’en est souvent tenu à une pédagogie expérimentale qui prétendait expérimenter au besoin en laboratoire et appliquer ensuite dans l’action des classes les découvertes faites. Assez rapidement, on a parlé de recherche en éducation dont l’ambition est d’établir par la méthode scientifique des savoirs théoriques suffisants qui n’ont plus pour fonction de se considérer comme promoteurs de pratiques pédagogiques plus assurées. La recherche ne prétend plus contribuer à l’amélioration de l’action pédagogique. Mais cette recherche s’exerce dans différents secteurs qui n’ont plus comme but de se rassembler sur un même objet, l’éducation. Celle-ci devient, sur le plan scientifique, de plus en plus éclatée et de moins en moins finalisée.

Cette distance par rapport aux questions pédagogiques va être accentuée par l’arrivée en force, au moment de l’émergence des cursus de sciences de l’éducation, de ceux que l’on appelle les didacticiens, c’est-à-dire les spécialistes de l’enseignement des diverses disciplines. Les recherches sur comment enseigner les mathématiques ou la biologie ou le français ou... vont devoir prendre en compte les questions du comment enseigner et, par là, s’approprier, à partir d’un savoir spécifique, une question plus générale qui était souvent jusque là le domaine des pédagogues. Les didactiques vont s’installer dans les sciences de l’éducation et contribuer ainsi à diversifier leurs perspectives, leurs méthodes et leurs champs d’intérêt. Est-ce à dire que la pédagogie a été absorbée ou reniée en tant que telle dans les sciences de l’éducation ? Ce n’est pas certain car on assiste aujourd’hui à un retour d’un discours des praticiens de l’éducation ou d’un discours sur la pratique qui tend à récuser l’ambition de la science dans le domaine de l’éducation. Certains entendent, au sein même des sciences de l’éducation mais aussi en dehors, que les propos sur l’éducation reviennent aussi aux acteurs de l’éducation. Ce qui permet de considérer qu’il y a plusieurs formes de savoirs en éducation et sur l’éducation, et que ne vaut pas seulement ce qui émane des "savants" de l’éducation.


B. Les sciences de l’éducation aujourd’hui

A supposer que vous entriez en licence de sciences de l’éducation. Vous n’êtes évidemment pas les premiers. Vous vous inscrivez dans la liste de ceux qui ont suivi ce cursus. Depuis quand existe-t-il en France ? 1967. C’est en effet en 1967 que s’ouvrent les premières formations à la licence de sciences de l’éducation à Bordeaux (Wittwer), Caen (Mialaret) et la Sorbonne (Debesse). D’autres suivront rapidement, même si encore aujourd’hui toutes les universités ne proposent pas cette licence. On peut estimer (Charlot, 1995) à environ 14 000 étudiants actuellement les inscrits en sciences de l’éducation. Plus de 400 enseignants-chercheurs délivrent autour de 2 600 licences, 400 maîtrises, 200 DEA et 85 thèses chaque année.

Statistiquement, les étudiants de sciences de l’éducation sont plus âgés que ceux des autres disciplines. Le pourcentage des salariés y est plus important. Beaucoup de ceux-ci travaillent pour l’éducation nationale (instituteurs ou professeurs d’école, mais aussi professeurs du secondaire, surveillants, conseillers d’éducation, directeurs, inspecteurs). Un second groupe important de salariés est constitué des travailleurs sociaux ou du secteur santé (éducateurs, animateurs, infirmiers, conseillers en économie familiale et sociale). Un troisième groupe, hétérogène, comprend des salariés du secteur privé ou public de divers types, très souvent liés à la formation permanente ou à la formation d’adultes : employés, ouvriers, techniciens, cadres moyens ou supérieurs. A côté de ces salariés, on trouve des étudiants à temps plein, de plus en plus importants notamment depuis la création des IUFM (Instituts Universitaires de Formation des Maîtres). Mais ce public est lui aussi divers car nombreux sont ceux qui envisagent un travail dans des secteurs autres que l’enseignement (social, santé, entreprise, insertion, etc.).

Du même coup, les finalités réelles des sciences de l’éducation sont hétérogènes pour ses usagers. Certains viennent y chercher à la fois des connaissances théoriques, une réflexion sur leurs pratiques et un diplôme. Pour d’autres, le projet est davantage de l’ordre de la reconversion ou de la promotion professionnelle. Pour d’autres encore, la formation accompagne la préparation d’un concours de recrutement. Deux grandes évolutions ont marqué ces dernières années (Charlot, 1995). Premièrement, l’hétérogénéité des étudiants est de plus en plus grande : de profession, d’origine sociale, d’objectifs, d’âges, d’expérience. Deuxièmement, les sciences de l’éducation sont loin d’être uniquement une discipline qui reçoit des professionnels de l’éducation, de l’action sociale et de la santé ; les jeunes en formation initiale sont désormais très importants et très nombreux. C’est ce qui amène les sciences de l’éducation à se préoccuper de plus en plus de la question de la professionnalisation, non plus seulement en tenant compte des professions des usagers de leurs formations mais aussi en termes de débouchés professionnels pour ces étudiants (cf. l’Unité d’enseignement D du cursus que vous allez suivre).

Vous voyez donc, comme le soulignent Hofstetter et Schneuwly (1998), que les sciences de l’éducation s’inscrivent dans la dynamique prise par l’organisation de la production systématique de connaissances dans notre société à travers l’entreprise “science”. Cette production s’accomplit dans des formes et des spécialisations disciplinaires. La physique a constitué la première forme achevée d’une discipline dans le cadre disciplinaire. A la fin du 18ième siècle, la constitution de cette discipline a abouti à une professionnalisation de la recherche scientifique dans un domaine délimité et à l’unité de deux fonctions jusque là séparées, la recherche et la formation supérieure. D’autres disciplines, la chimie et la médecine, émergent parallèlement. Quant aux sciences humaines, déjà timidement esquissées au 18ième siècle, elles s’instituent comme champs disciplinaires dans les dernières décennies du 19ième siècle sur la base de la professionnalisation et de la spécialisation de la recherche scientifique, et de l’unité de la recherche et de l’enseignement. Les sciences de l’éducation attendront donc plutôt la deuxième moitié du 20ième siècle (1967 en France) pour se constituer en champ disciplinaire à proprement parler, ce qui ne signifie évidemment pas que l’éducation a commencé à se penser à ce moment (cf. plus haut).


C. Les sciences de l’éducation : un questionnement permanent

Il ne faut pas oublier pour autant que les sciences de l’éducation se sont constituées en champ disciplinaire singulier à partir d’un ensemble de savoirs élaborés autour de champs professionnels préalablement constitués (et en premier lieu le monde de l’école). Ce qui signifie que les champs professionnels ont précédé le champ disciplinaire. Les premiers sollicitent le second pour élaborer des éléments de théorisation à partir des savoirs empiriques et résoudre des problèmes pratiques en vue de garantir une efficacité plus grande de l’action et des systèmes éducatifs. En répondant à ces demandes, les sciences de l’éducation adoptent inversement une posture de réflexion, de suspension de l’action pour se présenter comme un effort scientifique qui cherche à élaborer un objet de connaissance à explorer par des méthodes reconnues. On voit ainsi les sciences de l’éducation se construire à l’articulation de demandes sociales et politiques fortes, et de la construction d’une discipline scientifique pluridisciplinaire. Constituées à l’origine d’une juxtaposition d’objets et d’approches, elles ont conquis leur autonomie comme champ universitaire singulier, tout en conservant leur pluriel de référence. La construction même du cursus de sciences de l’éducation témoigne de ces éléments ; il se présente (cf. partie 1) comme une articulation entre des questions transversales (Unité d’enseignement A), des disciplines spécifiques (Unité d’enseignement B), des méthodes scientifiques (Unité d’enseignement C) et des champs professionnels (Unité d’enseignement D). Ces dimensions en tension sont tout à fait significatives de notre champ disciplinaire.

Si l’on suit Meirieu (1991), on peut considérer que la fonction des sciences de l’éducation est de produire des "modèles d’intelligibilité de la chose éducative". Ce qui signifie qu’elles cherchent à articuler trois pôles :
- un pôle axiologique : il renvoie à la définition des fins et mobilise la réflexion philosophique et politique ;
- un pôle scientifique : il renvoie aux connaissances élaborées par les diverses sciences humaines (psychologie, sociologie, économie, linguistique, etc.) et expérimentales (biologie) ;
- un pôle praxéologique : il renvoie au registre de l’action régulée et à son instrumentation possible.

L’articulation entre les trois pôles est toujours difficile et il est toujours tentant d’exclure l’un d’entre eux au risque de succomber à une tentation ou une autre :
- la tentation de la prescription par la science : on s’empresse de déduire des prescriptions éducatives d’une approche scientifique comme si les finalités n’existaient pas et comme si les sciences elles-mêmes n’étaient pas fondées sur des choix ;
- la tentation de la prescription par les finalités : on part d’une représentation de l’homme et de la société et on en déduit des propositions éducatives sans tenir compte des apports scientifiques ;
- la tentation de la conjonction entre la science et les finalités : on développe un axe fort entre des apports scientifiques et des fins qui y renvoient et on occulte les pratiques, leur diversité et leur spécificité pour exiger de ces dernières qu’elles se plient aux premières ou pour refuser de les considérer.

Les sciences de l’éducation en France existent institutionnellement et sont la résultante d’une histoire et d’un parcours dont vous venez de prendre connaissance. Est-ce à dire qu’elles ne sont pas traversées par des conceptions ou des options différentes. Evidemment non. On l’a vu : dans sa constitution même, ce champ disciplinaire est fait de tensions. Mais on peut aussi aller plus loin et montrer que, si l’on envisage son épistémologie (c’est-à-dire l’examen de la portée et de la valeur de l’ensemble des connaissances scientifiques qu’elle produit), au sein même des sciences de l’éducation (et, bien entendu, au dehors), on peut identifier cinq positions qui s’affrontent (Charlot, 1998) :

1 - Pour certains, extérieurs aux sciences de l’éducation, il est impossible de construire une science ou même un savoir de type positif sur l’éducation. Le savoir et les valeurs s’enseignent et sont là pour élever chacun vers l’universel. Or les sciences de l’éducation, à la suite de la pédagogie, cherchent à produire un savoir positif sur les pratiques et les situations ; elles tiennent donc que c’est l’enseignement qui doit s’adapter aux élèves et non pas l’élève qui doit s’élever à l’universel. Il faut donc refuser et récuser les sciences de l’éducation et les empêcher de jouer un rôle dans la formation.

2 - Pour d’autres, situés à l’intérieur et à l’extérieur des sciences de l’éducation, cette dernière existe bien en tant qu’institution universitaire mais non sur le plan épistémologique. Il n’y aura jamais de discipline cohérente sous ce nom, mais une juxtaposition de branches particulières d’autres sciences (psychologie, sociologie, histoire, économie, etc.) qui ne peuvent que continuer à servir de référence éclatée aux diverses entrées disciplinaires qui constituent l’organisation des formations dans le secteur des sciences de l’éducation.

3 - Pour d’autres, situés à l’intérieur des sciences de l’éducation, la juxtaposition institutionnelle des différentes entrées scientifiques sur l’éducation a produit une espèce de culture commune, ne serait-ce que parce que tout chercheur (et tout étudiant !) en sciences de l’éducation doit se tenir informé et tenir compte de ce qui se produit en sciences de l’éducation en dehors de son propre ancrage disciplinaire. C’est aussi ce qui fait que l’échange de questions, de concepts et de résultats est favorisé et contribue à construire cette culture commune.

4 - Pour d’autres, issus des sciences de l’éducation, celles-ci traitent de l’homme, c’est-à-dire d’un objet opaque et complexe qui ne peut être appréhendé par une seule science ni découpé en dimensions prises en charge par diverses disciplines puis totalisées par juxtaposition. L’homme requiert la mise en oeuvre croisée de plusieurs approches ; c’est ce qui produira une intelligibilité nouvelle et spécifique construite au fur et à mesure.

5 - Pour d’autres, inclus dans les sciences de l’éducation, ces dernières sont en puissance une discipline scientifique comme les autres et elles peuvent le devenir réellement si elles parviennent à construire des objets identifiés et reconnus comme des savoirs, des savoirs spécifiques, des savoirs scientifiques, des savoirs scientifiques socialement légitimes.

Certes il ne vous est pas demandé de prendre parti dans ces débats épistémologiques. Il ne vous est même pas demandé de les comprendre vraiment. Par contre, il est indispensable et pertinent, quand on suit une formation donnée, de savoir d’où elle vient et de prendre conscience des problèmes qui la traversent et, par là, la définissent. Car vous serez aussi formé dans cette histoire et dans ces questionnements, même si vous ne le percevez pas de prime abord...



Retour Accueil